Portrait africain Zapiro, le caricaturiste sud-africain qui énerve tous les pouvoirs
Plus de 25 ans de dessins de presse et Jonathan Shapiro, alias Zapiro, est devenu le plus célèbre, le plus grinçant des caricaturistes sud-africains. Tout autant admiré que détesté, chaque matin c’est toute la nation arc-en-ciel qui rit en regardant ses dessins.
Par AFP Le régime d'apartheid l'avait jeté en prison, Nelson Mandela était un fan et l'actuel président Jacob Zuma lui réclame des millions en justice: le caricaturiste de presse sud-africain Zapiro n'a jamais laissé ses sujets indifférents. « L’Afrique du Sud est un pays où il est absolument exceptionnel d’être commentateur, critique, satiriste, dessinateur, humoriste », relève Jonathan Shapiro, 52 ans, plus connu sous son pseudonyme Zapiro. « Nous disons souvent qu’il se passe plus de choses ici en une semaine que dans d’autres endroits. C’est vrai, il se passe toujours des choses incroyables! » Zapiro a installé dans ses dessins une douche sur la tête de Jacob Zuma quand ce dernier a affirmé qu’il s’était simplement douché pour se protéger du sida après avoir eu des rapports sexuels non protégés, lors d’un procès pour viol il y a cinq ans (au terme duquel il a été acquitté). Le président sud-africain a traîné deux fois le caricaturiste en justice, pour cette affaire et pour un dessin de 2008 le représentant en train de déboutonner son pantalon avant de violer la Justice, quand toutes les poursuites contre lui ont été soudainement abandonnées à la veille de son élection. Jacob Zuma a réclamé en décembre à Zapiro 5 millions de rands (510. 000 euros). « Je ne vois toujours pas ce que ça peut lui rapporter de remuer toutes ces choses, maintenant qu’il est président et qu’il a de grands problèmes à traiter », soupire le caricaturiste. « Je ne suis pas inquiet parce que je sais que nous allons gagner. Tout cela va lui causer beaucoup de tort, ici et à l’étranger. Tout ce qu’il a réussi, c’est à me faire de la publicité. Je n’avais rien demandé, mais ça ne me gêne pas! » Si M. Zuma est maintenant une cible de choix, Zapiro reconnaît volontiers qu’il était difficile de trop critiquer Nelson Mandela du temps de la longue marche de l’Afrique du Sud vers la démocratie, dans les années 1990. « J’ai toujours aimé le dessiner », sourit-il. Un dessin représente l’icone de la lutte anti-apartheid rayonnante, assise dans un carrosse à côté de la reine Elizabeth II, un policier britannique lançant ironiquement: « Le prochain crétin de touriste qui demande qui est la petite vieille dame avec Mandela. . . « Dans un geste qui lui ressemble bien, le premier président noir du pays l’a appelé à la fin des années 1990 pour lui faire part de son irritation après avoir appris que ses dessins ne seraient plus publiés dans un quotidien du Cap. Quand Zapiro lui a fait remarquer qu’il était devenu plus critique au fil des ans, M. Mandela a répondu qu’il ne faisait que son boulot de caricaturiste. Une phrase que l’artiste décrit comme « le moment le plus fort qu'(il a) jamais eu en tant que dessinateur ». « Cela m’a vraiment scotché, cette compréhension que Nelson Mandela avait de la satire, de la critique, de ne pas être sur la défensive. Malheureusement, ses successeurs n’ont pas eu cette capacité de comprendre ces choses! » Zapiro, qui a déjà publié quinze livres et dont les dessins parus dans les quotidiens et hebdomadaires sud-africains peuvent être vus sur son site www. zapiro. com, considère la liberté de la presse comme essentielle, alors que l’ANC au pouvoir dit régulièrement que les médias sont ses principaux adversaires, et qu’un projet de loi limitant leur action est dans les cartons. Son attitude n’a pas changé depuis qu’il a été détenu sans procès par la police de l’apartheid dans les années 1980. « Ils ont dit: +pourquoi vous nous représentez comme des porcs?+ J’ai dit: +je dessine ce que je vois+. Ce qui bien sûr n’est pas bien passé. . . « , raconte-t-il. « Et je le fais encore aujourd’hui. «
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